L’heure était donc venue de quitter Bourg… encore une fois. Mais ce départ était différent des autres, elle le sentait. Elle avait l’intime conviction qu’elle ne retrouverait pas la chaleur de sa maison burgienne avant de longues semaines, peut-être même de longs mois. Sa vie était ailleurs maintenant, elle n’avait plus sa place dans le village de son cœur. Trop de souvenirs, trop de fantômes, trop de changements…
D’ailleurs, elle n’y serait pas retournée sans Spads. Elle l’avait suivie sans savoir comment leur relations évoluerait, elle avait réappris à connaître ce vieil ami. L’amitié avait peu à peu laisser la place à une douce idylle mais sans s’effacer complètement. Elle le savait maintenant, elle avait aimé Spads, mais pas comme lui l’aimait, pas comme il le méritait.
La décision avait donc été prise, elle partirait sur les routes. Jusqu’où et pendant combien de temps, elle ne le savait pas encore. Sans doutes jusqu’à ce que l’envie de retrouver la Savoie se fasse resentir. Mais pour le moment, elle avait besoin de changements, de nouvelles rencontres, d’aventures… Bien entendu Cassandra serait du voyage. Elles iraient peut-être retrouver Diego et Maelis, les enfants de sa défunte sœur, restés en Guyenne avec LDDC.
Mais l’heure n’était pas encore à planifier les différentes étapes de leur voyage et tandis que l’on chargeait les malles et que l’on préparait le départ pour la capitale, Sanguinela décida de faire une dernière balade dans les rues de Bourg. S’arrêtant dans des lieux communs ou aujourd’hui laissés à l’abandon, elle se remémorait les instants qui avaient marqués ces deux dernières années : sa première rencontre avec Branatole des années après leur séparation, alors qu’elles se trouvaient au vieux lavoir, près de la rivière, la gentillesse avec laquelle Caro l’avait soigné pendant plusieurs jours au dispensaire, les moments passés avec Mae dans son échoppe à essayer ses dernières robes, le temps passé au poste de police en compagnie de Cougnou, lorsqu’elle était sergent, toutes les fois où elle était venue chercher Pat à la mairie, le soir où Tophie l’avait trouvé délirant sur la place principale, les moments passés à la burgienne en compagnie de ses amis disparus… sa Baulinette…. Merisse…Gweny….Tp…Nata...
La lumière du soleil déclinait peu à peu et Sangui savait l’heure du départ proche. Mais la jeune femme avait une dernière visite à faire avant de prendre la route pour Chambéry. Aussi, après avoir prélevé quelques fleurs dans un champ qui se trouvait non loin de là, elle se rendit dans un lieu bien connu des anciens burgiens mais qui avait été malheureusement laissé à l’abandon. Mais même si le jardin des amoureux n’était plus aussi bien entretenu, il s’en dégageait toujours autant de charme. Le bouquet à la main et après quelques minutes de marches, la jeune femme se retrouva sous un grand arbre dont les feuilles avaient presque toutes disparues. Là, elle s’agenouilla quelques instants pour prier tout en tentant de refouler toute la colère qu’elle ressentait envers l’inquisition, envers les brigands et certains anciens habitants de Bourg. Car malgré tous ses efforts pour ne penser qu’aux instants de bonheur vécus dans ce village, il n’en restait pas moins que les disputes, les moments de terreurs, de colères et de tristesses avaient existés et étaient toujours présents dans son esprit. Après s’être recueillit quelques minutes et avoir déposé le bouquet de fleurs, Sangui regagna sa maison du vieux Bourg.
Les coches et les gardes aux armes des Roches Blanche se trouvaient devant la demeure, les malles étaient déjà parties pour la capitale, la maison avait été fermée et Cassi s’amusait avec sa nourrice. Après un dernier regard pour sa maison, Sanguinela, qui avait prit place aux cotés de sa fille, donna sans plus attendre l’ordre du départ. La petite troupe se mit donc en route, brisant par le bruit des sabots sur les pavés, le silence caractéristique des soirées d’hiver.